The Product Tape #24 - UX Research : Convaincre un management réticent 📝
Avec Caroline Caltagirone de Haigo
Si vous lisez cette édition et que vous n'êtes pas encore inscrit∙e à la newsletter, c'est par ici :
Hello à tous et à toutes 👋
Je suis ravie de vous retrouver après quelques mois d'absence, pour la publication du 26e épisode de The Product Tape (tous formats confondus), et le lancement de cette newsletter.
Après une grosse année à un rythme de publication d'un épisode tous les 15 jours, je ressens le besoin de ralentir et repasser à un épisode par mois. Cette nouvelle fréquence sera l'occasion de mieux préparer les épisodes, revenir à des formats plus aboutis comme j'avais pu le proposer avec les Deep Dive, et de partager d'autres types de ressources par le biais de cette newsletter.
Cette newsletter, d'ailleurs. Pourquoi tenter ce format supplémentaire dans un environnement déjà très fourni en contenus pertinents (Le Ticket, Product Inbox, Productverse... pour n'en citer que quelques uns) ?
J'aimerais que ce nouvel espace puisse être d'abord un pont de discussion privilégié, dans un contexte où je ne recevais que de très rares feedbacks sur le podcast. Je souhaite ainsi pouvoir solliciter régulièrement votre avis, et construire des épisodes plus proches de vos préoccupations. J'aimerais enfin partager des articles ou des sources de veille, sans lien particulier avec les épisodes. En espérant que ces réflexions génèrent elles aussi des échanges 😊
Je vous donne donc rendez-vous les premiers lundis de chaque mois, autour d'un nouvel épisode de podcast et cette newsletter. Un grand merci pour votre écoute, et désormais votre lecture !
💫
📝 UX Research : Convaincre un management réticent
Comment mettre en place de la User Research dans un environnement où le management n'est pas convaincu de ses bienfaits ?
Caroline Caltagirone est Lead User Researcher & Program Manager chez Haigo, un studio de transformation par le design. Elle revient avec nous sur l'une de ses missions, durant laquelle elle a aidé un fabricant de montre analogique à construire le design de sa future montre connectée.
Au départ, son client refuse de mobiliser la User Research dans ce projet - par manque de temps et d'envie d'y consacrer des moyens. Convaincus de son intérêt, Caroline et son équipe utilisent des méthodes de discovery peu coûteuses et rapides à mettre en place. Ils éveillent la curiosité de leur management et parviennent à les convaincre. Ils iront même jusqu'à économiser plusieurs milliers d'euros, en évitant de développer une fonctionnalité que les utilisateurs ne trouvaient pas pertinente.
Ensemble, nous avons évoqué :
💥 Les bienfaits de la User Research, et l'importance d'en faire à tout prix
🤓 Des méthodes concrètes, comme la guerrilla User Research ou les tests non modérés
👌 Des conseils faciles à mettre en place pour valoriser la User Research en interne
👀 Des astuces pour ne pas biaiser ses entretiens avec des utilisateurs
--------------------------------------------------
🔥 Les liens de l'épisode 🔥
L'académie de la User Research de Haigo, un programme en ligne de 8 semaines pour devenir autonome en user research
La rubrique People Nerds de Dscout
L'application Tandemz.io
👀 Quelques notions clés de l'épisode
1. Toutes les personae se valent-elles ?
Une persona est un archétype, un personnage imaginaire représentant un segment cible dans le cadre de l'utilisation d'un produit ou d'un service. On distingue toutefois deux types de personae. Les personae marketing, qui se concentrent sur données sociodémographiques, le rapport à la consommation et à la décision d'achat. Les personae design, qui révèlent les usages, les motivations, les sources de frustration. Pour être des outils de discovery pertinents, les personae doivent intégrer ces dimensions d'usage, au risque de passer à côté de l'exercice.
2. Quelques conseils simples à mettre en place
Durant l'épisode, Caroline nous partage 3 conseils faciles à mettre en place pour valoriser la user research en interne :
Utiliser du matériel visuel à accrocher sur les murs, pour attiser la curiosité des équipes
Créer des rendez-vous de partage des résultats des sessions de discovery avec ses collègues, comme des petits déjeuner hebdomadaires
Créer un channel slack accessible à tous, alimenté avec chaque nouvel insight récolté sur ses utilisateurs (verbatims, photos, vidéos... etc)
3. Comment ne pas biaiser ses tests ?
Le piège le plus commun à éviter lorsqu'on fait de la discovery est de mélanger démo et test. On a naturellement tendance à vouloir aider les utilisateurs et répondre à leurs interrogations. A la question "et ce bouton là, il sert à quoi ?", on est vite tenté de donner la réponse, voire carrément expliquer pourquoi l'équipe a pris la décision de le mettre ici. Il est important de se forcer à ne pas donner tout de suite la réponse, et profiter de ces moments pour récolter des insights supplémentaires. On pourra par exemple retourner la question : "très bonne remarque. D'après vous, il sert à quoi ?"
🔮 Un peu de veille
Ces dernières semaines, il était difficile de passer à côté d'Elyze. Créée par deux étudiants, Grégoire Cazcarra, 22 ans (ESCP Paris) et François Mari, 19 ans, (HEC Montréal), l'application, qui propose de « matcher » avec l’un des candidats à l’élection présidentielle, a été téléchargée plus d'un million de fois en quinze jours.
Partout, les commentaires sont élogieux pour cette app qui "reconnecte les jeunes avec les urnes", et plus largement la vie politique. Pourtant après quelques semaines, des critiques se font entendre lorsqu'on remarque qu'Elyze favorise Emmanuel Macron - lorsque l'utilisateur se dit favorable à toutes les propositions, ou en cas d'égalité entre les candidats.
Sur Twitter, des spécialistes en cybersécurité s'interrogent sur la façon dont l'application a été construite. C'est notamment le cas de Mathis Hammel, qui décide d'en analyser le code source et partage ses conclusions dans un thread. Sur le chemin, il parvient à injecter une proposition politique à Emmanuel Macron directement dans l'app – "Virer Jean Castex et nommer Mathis Hammel à sa place". Les développeurs corrigent le bug dans la foulée, puis suppriment les (nombreuses) données personnelles de l'application, et passent le code en open source pour faire taire les critiques.
Ces bugs techniques ne sont pas les seules questions soulevée par Elyze, qui en quelques semaines a permis de constituer la plus grande base de données d'opinions politiques, cumulant à la fois les intentions de vote de 2017 et de 2022 des utilisateurs. Une base de données non seulement interdite par le RGPD, mais qui comme le mentionnaient les CGU, aurait pu être vendue ou transmise à n'importe quel type d'acteur. Des risques largement décrits par Thibault Prévost dans son excellent article pour Arrêt sur images, qui m'a envie de revenir sur le sujet (je ne peux que vous le recommander, il est d'ailleurs passé en accès libre).
Pourquoi c'est intéressant côté Produit ?
On peut difficilement soupçonner les deux co-créateurs de l'application de malveillance. Il est très probable que les critiques à l'égard d'Elyze s'expliquent par leur manque d'expérience, ainsi qu'un faible niveau de connaissances réglementaires et en cybersecurité.
Pourtant, l'application reproduit les biais idéologiques d'une équipe blanche, issue de grandes écoles, surengagée en politique, et certainement favorable à l'actuel gouvernement. Des biais qui les ont naturellement conduit à placer Emmanuel Macron en première position de leur algorithme, une structure de code à l'origine de certains des bugs d'Elyze.
Comme l'expliquait déjà en 2000 Lawrence Lessig : Code is Law. C'est-à-dire que le code fait loi, qu'il est le régulateur et "détermine s’il est facile ou non de protéger sa vie privée, ou de censurer la parole. Il a un impact sur qui peut voir quoi, ou sur ce qui est surveillé".
En temps que créateurs de produits numériques, l'histoire d'Elyze nous pousse à nous interroger sur l'impact de nos biais et nos perceptions dans les services que nous concevons. Il souligne à quel point la plus petite décision, comme l'ordre des éléments d'une liste, peut directement influer sur la réception de notre Produit. Il rappelle par extension à quel point la diversité des équipes est nécessaire, pour éclairer autrement nos réflexions et nos choix, et tenter de minimiser l'impact de nos biais cognitifs.
Vous êtes encore là ? Si cette newsletter vous a plu, et/ou que vous y trouvez des axes d'amélioration, n'hésitez pas à me partager vos réflexions en répondant à cet email.
Si vous souhaitez me soutenir, je vous encourage vivement à partager cette newsletter autour de vous.